Choléra

Mise à jour le 29 juillet 2024. Le foyer de choléra en cours à Mayotte a justifié la mise en place de recommandations vaccinales spécifiques.

Agent pathogène

Le choléra est une maladie infectieuse bactérienne aiguë strictement humaine causée par le vibrion cholérique, plus précisément par les souches de sérogroupe O1 ou de sérogroupe O139 appartenant à l'espèce Vibrio cholerae et produisant une entérotoxine, la toxine cholérique. Celle-ci est le facteur pathogène de la maladie du choléra. Il s'agit d'une protéine constituée de deux sous-unités, la sous-unité A et la sous-unité B. Les souches de Vibrio cholerae peuvent également être différenciées selon leurs caractéristiques, notamment pour étudier leur diffusion internationale ou au sein d'un pays. Le sérogroupes O1 (biotypes classique et El Tor) et O139 sont les principales bactéries en cause dans les épidémies de choléra. Les souches du sérogroupe O1 sont classées en trois sérotypes (Ogawa, Inaba et Hikojima) et sont responsables de la très grande majorité de cas de choléra.

Transmission

Le vibrion cholérique est transmis par la consommation d’aliments ou d’eau contaminés, ou encore lors d'un contact étroit direct avec un malade. Les règles d’hygiène de base, la chloration adaptée de l’eau et les mesures d’assainissement suffisent généralement à prévenir le choléra. De plus, le vibrion cholérique est peu susceptible d'entraîner la maladie chez une personne en bonne santé ; en effet, le vibrion cholérique est rapidement détruit par l'acidité gastrique. La durée d'incubation est courte, de quelques heures à cinq jours. La plupart des personnes contaminées présentent peu ou pas de symptômes. 

Symptômes

La maladie est causée par l'entérotoxine.

La durée d'incubation du choléra est courte, de quelques heures à cinq jours.

La forme grave se manifeste par un début brutal avec diarrhée et vomissements intenses, sans douleurs ni fièvre. Les émissions sont aqueuses, afécales et prennent un aspect caractéristique «eau de riz». Les pertes liquidiennes provoquent une déshydratation importante pouvant entrainer la mort en quelques heures.

Les formes peu symptomatiques sont fréquentes : 80 à 90 % des épisodes sont bénins ou modérément graves ; il est alors difficile de les distinguer cliniquement d'autres types de diarrhées aiguës. Les bactéries peuvent rester présentes dans les selles des personnes infectées jusqu'à 10 jours après l'infection.

Diagnostic

Le diagnostic du choléra est clinique et biologique. Il repose sur la mise en évidence de Vibrio cholerae sérogroupe O1 ou O139 producteur de toxine cholérique dans les selles d’une personne symptomatique.

Traitement

Compenser les pertes digestives d'eau et d'électrolytes, en réhydratant par voie orale ou en intraveineuse en fonction de la sévérité de la déshydratation. L'antibiothérapie peut être utile dans certains cas graves, mais des souches multirésistantes peuvent apparaître.

Prévention

La prévention repose avant tout sur l'application de mesures d'hygiène.

La vaccination est un élément de la stratégie de lutte contre le choléra dont la place est précisée ci-dessous.

Mesures d'hygiène :

  • observer les règles d’hygiène et de propreté de base, notamment le lavage des
    mains après le passage aux toilettes et avant la préparation des repas ;
  • éviter l’usage et la consommation d’eau non contrôlée ;
  • ne pas consommer les aliments ayant été manipulés par les personnes malades ;
  • en cas de voyage dans ces zones endémiques, le respect des mesures d’hygiène (hygiène alimentaire avec consommation d’aliments cuits et chauds, d’eau en bouteille capsulée, éviction des glaçons, et lavage des mains) reste la meilleure des préventions.

Les recommandations vaccinales

Il existe trois types de vaccin contre le choléra, tous administrés par voie orale.

Vaccin DUKORAL

Le vaccin contient les bactéries Vibrio cholerae O1 entières inactivées et la sous-unité B non toxique de la toxine cholérique recombinante (rTCB). Il est dirigé contre Vibrio cholerae, sérogroupe O1 uniquement ; les souches bactériennes des sérotypes Inaba et Ogawa et des biotypes El Tor et Classique sont incluses dans le vaccin. La toxine thermolabile (LT) de la bactérie Escherichia coli entérotoxinogène (ETEC) est similaire à l'entérotoxine B au plan structurel, fonctionnel et immunologique. Immunologiquement, les deux toxines produisent une réaction croisée. Ainsi au Canada, le vaccin DUKORAL est présenté comme un vaccin contrele choléra et contre la diarrhée causée par Escherichia coli entérotoxinogène, responsable de la tourista.

Le vaccin DUKORAL dispose d’une autorisation de mise sur le marché européenne (AMM) depuis le 4 mai 2009. C’est le vaccin habituellement distribué (en faible quantité) en France. Des lots avaient été prépositionnés à Mayotte à la suite des recommandations du Haut Conseil de la santé publique du 23 juin 2023 concernant les risques de maladies à transmission féco-orale en situation de crise de l’eau.

Le vaccin DUKORAL est pris par voie orale avec une substance tampon, le bicarbonate, qui protège les antigènes des acides gastriques. Le vaccin agit en activant les anticorps contre les éléments bactériens et la TCB. Les
anticorps intestinaux antibactériens empêchent les bactéries d’adhérer à la paroi intestinale, freinant ainsi la colonisation du Vibrio cholerae O1. Les anticorps intestinaux antitoxiniques empêchent la toxine cholérique d’adhérer à la muqueuse intestinale évitant de ce fait des symptômes diarrhéiques transmis par la toxine.

Le vaccin DUKORAL, disponible en France depuis le 2 mars 2020, est indiqué chez les adultes et les enfants âgés de 2 ans et plus se rendant dans des régions où la maladie est endémique ou épidémique), mais en pratique ce vaccin est rarement recommandé en France chez le voyageur.

Ce vaccin doit être indispensablement administré avec une solution tampon antiacide (bicarbonate de sodium) afin d’empêcher son inactivation par l’acidité gastrique. Son efficacité (exclusivement contre le sérogroupe 1) a été évaluée dans plusieurs essais cliniques et études de terrain. L’efficacité individuelle est de 80 à 85 % dans les 5 à 6 premiers mois post-vaccinaux, surtout sur les formes graves, s’abaissant ensuite. Elle semble identique chez les moins et les plus de 5 ans, chez les personnes vivant avec le VIH, mais n’a pas été évaluée chez les femmes enceintes. La protection pourrait varier selon les souches de Vibrio cholerae circulantes. Le vaccin confère une immunité indirecte de groupe. Le schéma est classiquement de deux doses à 14 jours d’intervalle, mais des administrations à 1 dose ont parfois été réalisées dans des contextes de ressources rares ou de conditions opérationnelles rendant le second passage difficile. Il n’a pas été trouvé d’étude de protection avec DUKORAL avec une seule dose. L'efficacité à 6 mois de 63 % sur les formes graves (et de 40 % sur toutes les formes cliniques) après une dose du vaccin SHANCHOL (bivalent O1 et O139) ne peut pas être extrapolée au vaccin DUKORAL.

Vaccins SHANCHOL et EUVICHOL-PLUS

Il s'agit de vaccins entiers inactivés bivalents O1 et O139, sans sous-unité toxinique, contenant des souches de Vibrio cholerae O1 Inaba « classique » (Souche Cairo 48), Inaba biotype « El Tor » (souche Phil 6973), Ogawa biotype « classique » (souche Cairo 50), et O139 (souche 4260B), distribué sous les noms de SHANCHOL (Shanta Biotechnics, Inde) et de EUVICHOL-PLUS (Eubiologics, Corée du sud) (avec quelques différences mineures de formulation).

Les stocks de vaccins étant gérés par le consortium international intervenant dans toutes les épidémies (Global task force on cholera control, GTFCC) selon des procédures codifiées. Il n’est pas anticipé de pouvoir disposer à Mayotte de ces vaccins sauf flambée épidémique majeure.

Vaccin VAXCHORA

Le vaccin VAXCHORA (vaccin vivant atténué) a obtenu une autorisation de mise sur le marché le 1er avril 2020 pour l’immunisation active contre la maladie causée par Vibrio cholerae de sérogroupe O1 chez les adultes et les enfants âgés de 2 ans et plus.

L’administration en une seule prise orale de ce vaccin vivant atténué en une dose nécessite une préparation avec de l’eau ne contenant pas de produit désinfectant, chloré notamment, au risque de le dénaturer (eau de source et non eau du robinet). 

Il est recommandé de principe de ne pas faire de vaccin dans les 14 jours qui suivent une antibiothérapie, car celle-ci pourrait réduire l’efficacité du vaccin. Il est également préconisé de ne pas utiliser d’antibiotique dans les 10 jours qui suivent une vaccination, mais bien sûr une personne vaccinée relevant d’un traitement antibiotique doit le recevoir.

Des études d’efficacité avec des candidats vaccins contenant la souche vaccinale CVD-103 HgR ont été menées avec différentes concentrations de vaccin, en contexte expérimental ou en vie réelle. Il en ressort une efficacité à 3 mois de 80 à 90 % contre les formes modérées à sévères et de 66 % toutes formes confondues. Ces études ne peuvent être extrapolées au vaccin VAXCHORA, dont l’efficacité a été évaluée dans une étude où les personnes (adultes de 18 à 45 ans) ont reçu le vaccin ou un placebo puis ont été « challengées » par une souche virulente de Vibrio cholerae après 10 ou 90 jours. L’efficacité pour la prévention des formes graves ou modérées de choléra est de 90,3 % pour le groupe challengé à 10 jours et de 79,5 % pour le groupe 3 mois. Dans cette étude, l’excrétion de la souche vaccinale a été recherchée dans les 7 premiers jours et retrouvée chez 11 % des vaccinés. Aucune donnée n’existe sur le risque de transmission éventuelle de la souche vaccinale vivante à l’entourage. Le VAXCHORA est le vaccin recommandé par les autorités américaines pour les voyageurs de 2 à 64 ans se rendant dans une zone endémique. Un point de vigilance doit porter sur le diagnostic différentiel que le laboratoire peut être amené à faire entre la souche circulante et la souche vaccinale si le vaccin vivant VAXCHORA est utilisé à Mayotte. La souche vaccinale étant une souche à la fois délétée des gènes de la toxine cholérique et mutée sur un gène connu, des tests PCR seront à mettre en place pour un éventuel diagnostic différentiel si celui-ci a été établi sur la base de tests de diagnostic rapide (TDR) ou de la culture seule.

Les recommandations particulières

Foyer de choléra à Mayotte : recommandations vaccinales spécifiques

Deux types de vaccins sont disponibles pour Mayotte : DUKORAL et VAXCHORA. Selon les recommandations du Haut Conseil de la santé publique, la stratégie vaccinale à Mayotte se fait en 3 paliers selon l’épidémiologie, associant vaccination anticipée des intervenants de première puis de deuxième ligne et vaccination déclenchée au cas par cas dans l’entourage des patients (en association parfois à une antibioprophylaxie), en intra-domiciliaire comme pour ceux hautement exposés à de mêmes risques (partage des latrines, des stocks d’eau…), avec recours aux deux types de vaccins selon les cibles.

Vaccination déjà mise en oeuvre à Mayotte

Dans le contexte de la réimportation du choléra dans l’archipel, l’ARS Mayotte a déjà engagé une vaccination des intervenants de première ligne, d’abord par DUKORAL (schéma à 2 doses) puis par VAXCHORA au regard des doses disponibles.

Après l’identification du premier cas de choléra sur l’île, une stratégie d’utilisation de DUKORAL pour les contacts domiciliaires et de VAXCHORA pour les habitants dans un rayon proche a été mise en œuvre. Le nombre moyen de personnes partageant le domicile est de quelques unités et ceux partageant les mêmes points d'eau et latrines de quelques dizaines.

Dans un avis du 11 juin 2024, le Haut Conseil de la santé publique émet ds recommandations sur la mise en œuvre d’une stratégie préventive ciblée vers des quartiers identifiés comme à risque de diffusion communautaire du choléra.

Choix du vaccin

  • privilégier le recours au VAXCHORA qui présente l’avantage d’un schéma à dose unique selon le résumé des caractéristiques du produit et d’une efficacité mesurée satisfaisante (de l’ordre de 90 % à court terme) sous réserve d’identifier les contre-indications à ce vaccin vivant (grossesse et immunodépression notamment) ;
  • recourir au vaccin DUKORAL uniquement pour les personnes présentant une contre-indication au VAXCHORA, même si le schéma vaccinal à 2 doses parait difficilement applicable dans les conditions de cette campagne ) (sur la base des opérations déjà réalisées, l’ARS anticipe environ 15 % de patients récusés du fait de contre-indications au VAXCHORA ou de traitement antibiotique concomitant) ;
  • veiller à assurer la traçabilité des vaccinations, car celle-ci permettra en particulier d’évaluer l’efficacité vaccinale et la tolérance en vie réelle.

Les recommandations pour les voyageurs

Une prévention efficace est assurée par des règles d’hygiène simples appliquées à l’alimentation et à l'eau.

La vaccination contre le choléra n’est pas recommandée pour les voyageurs ; elle peut être recommandée pour les personnels devant intervenir auprès de malades, en situation d’épidémie, et chez les personnels déployés dans le cadre de mandats ONU (Organisation des Nations Unies) dans les pays où le choléra est présent. Dans tous les autres cas, une prévention efficace est assurée par une bonne hygiène individuelle (lavage des mains) et alimentaire.

Le schéma vaccinal

Primovaccination

DUKORAL

Les doses doivent être administrées, par voie orale, à intervalles d’au moins une semaine. Si plus de 6 semaines se sont écoulées entre les doses, la primovaccination doit être recommencée. L’immunisation doit être terminée au moins une semaine avant l’exposition éventuelle à Vibrio cholerae O1.

  • Adultes et les enfants âgés de 6 ans et plus : 2 doses ;
  • Enfants de 2 à 6 ans : 3 doses ;
  • Enfants de moins de 2 ans : il n’est pas conseillé de vacciner les enfants de moins de 2 ans.

VAXCHORA

Adultes et enfants âgés d’au moins 2 ans : une dose unique doit être administrée par voie orale au moins 10 jours avant l’exposition potentielle à Vibrio cholerae de sérogroupe O1.

Rappel

DUKORAL

Pour assurer une protection continue contre le choléra, une seule dose de rappel est recommandée dans les deux ans pour les adultes et les enfants de 6 ans et plus, et dans les 6 mois pour les enfants âgés entre 2 et 6 ans.

Aucune donnée d’efficacité clinique n’a évalué l’administration de doses de rappel. Toutefois, des données immunologiques et de durée de protection du vaccin semblent indiquer que si moins de deux années se sont écoulées depuis la dernière vaccination chez l’adulte et moins de 6 mois chez l’enfant de 2 à 6 ans, une seule dose de rappel doit être administrée. Si plus de deux années se sont écoulées depuis la dernière vaccination (plus de 6 mois chez l’enfant âgé de 2 à 6 ans), la primo-vaccination doit être renouvelée.

VAXCHORA

Aucune donnée disponible sur l’intervalle de rappel.

Les données épidémiologiques

Dans le monde

Le nombre de flambées épidémiques de choléra augmente régulièrement dans le monde, accentué par le changement climatique et les conflits. Selon l'OMS, deux fois plus de cas ont été rapportés en 2022 (soit près de 500 000 cas) par rapport à 2021, et l'augmentation s'est poursuivie en 2023 (plus de 700 000 cas). Toutes les régions du monde déclarent des cas de choléra, mais l’Afrique est le continent le plus touché et concentre plus de 50% des cas. La Figure 1 montre le taux de notification du nombre de nouveaux cas de choléra pour 100 000 personnes rapportés dans le monde de mars 2023 à avril 2024 (données actualisées sur le site de l'ECDC).

Dans les Comores

Une épidémie de choléra est en cours aux Comores depuis le 2 février 2024 avec une circulation bactérienne qui reste très active, et plus particulièrement à Anjouan, l'île la plus proche géographiquement de Mayotte. Le dernier point de situation publié par le ministère de la santé des Comores fait état de 10 142 cas notifiés et de 147 décès depuis le début de l’épidémie aux Comores (données arrêtées au 30 juin 2024). Cette épidémie fait suite à la résurgence du choléra en Afrique de l'Est depuis 2021. Une campagne de vaccination massive contre le choléra est en cours, Au 30 juin, 47 % de la population est vaccinée dont 72 % à Anjouan, 47 % à Mohéli et 24 % en Grande-Comore.

A Mayotte (au 2 juillet 2024)

Depuis le premier cas détecté le 18 mars 2024, 214 cas de choléra ont été signalés à Mayotte. Parmi ces cas, 209 ont été confirmés par PCR et 5 sont des cas probables. Parmi les 214 cas signalés depuis l’introduction de la maladie à Mayotte, 193 sont des cas acquis localement et 21 ont été importés des Comores ou de pays du continent africain. Au cours de la semaine glissante du 26/06/2024 au 02/07/2024, 4 nouveaux cas de choléra ont été signalés à Mayotte contre 17 cas sur la semaine glissante précédente. Depuis le début de l’épidémie à Mayotte, 14 cas graves ont nécessité des soins de réanimation et 2 décès de cas confirmés par PCR ont été enregistrés, ce qui représente une létalité de 1 %. Lors des investigations autour des cas, plusieurs décès ont été identifiés depuis le début de l’épidémie, notamment chez des personnes n’ayant pas pu bénéficier de tests diagnostiques. Les premières souches ont été confirmées par le Centre national de référence du vibrion et du choléra. Elles sont de sérogroupe O1, de sérotype Ogawa et sensibles à la doxycycline.

Figure 1 : Taux de notification du nombre de nouveaux cas de choléra pour 100 000 personnes rapportés dans le monde de mars 2023 à avril 2024.

Référence : ECDC.

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Références

Vaccins contre cette maladie