Circulation de poliovirus dans les eaux usées en Guyane : Santé publique France fait le point

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La situation en Guyane

Dans le cadre d’un projet de recherche, des poliovirus dérivés de la souche vaccinale Sabin de type 3 (PVDV 3), présentant un profil génétique proche, ont été détectés dans des échantillons d'eaux usées collectés entre mai et août 2024 dans plusieurs stations d’épuration en Guyane (Cayenne, Saint-Georges et Remire-Montjoly).

Les analyses génétiques montrent que ces virus sont à considérer comme une souche dérivée de la souche vaccinale Sabin 3 (PVDV 3), qu’ils sont génétiquement liés entre eux, et que ces souches sont à considérer comme des souches de poliovirus sauvages puisqu’elles pourraient provoquer une paralysie.

Ces souches n'ont jusqu'à présent pas été identifiées dans d'autres pays. En Guyane, bien qu’aucun cas de poliomyélite n’ait été signalé jusqu’à présent, la détection de ces souches à partir d’échantillons provenant de localisations différentes à au moins deux mois d'intervalle, confirme une transmission interhumaine de ces virus, et le classement comme poliovirus circulant cPVDV3 selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et ce sans préjuger de son caractère exclusif à la Guyane, 

Pourquoi détecter les poliovirus dans les eaux usées ?

En cas d’infection par un poliovirus, le virus est excrété dans les selles et les particules virales se retrouvent alors dans les eaux usées. Comme la plupart des infections par le poliovirus sont asymptomatiques, la surveillance des eaux usées peut permettre de détecter une circulation du virus avant même l’apparition d’un cas de paralysie.

En France, cette surveillance a été arrêtée fin 2018 en raison d’une faible détection de poliovirus et d’une couverture vaccinale élevée. 

Les détections de PVDPV circulant rapportées en Guyane, sont les premières dans une région en France depuis les années 2000. Ces détections témoignent d’une circulation silencieuse de PVDV3 au sein d’une population guyanaise avec des groupes de population insuffisamment vaccinés.

Quel est l’origine de ces virus ?

Le vaccin oral n’étant pas utilisé en Guyane, ces virus dérivés de souche vaccinale ont été importés par une ou plusieurs personnes ayant reçu le vaccin oral à l’étranger, et la transmission d’un individu à l’autre a pu être facilitée au sein de groupes de population insuffisamment vaccinés. Le vaccin poliomyélitique oral (VPO) est encore utilisé dans certains pays de l’Amérique du Sud.

Bien que la région Amérique soit considérée indemne de circulation de poliovirus depuis 1994 par l’OMS, cette détection a des conséquences au niveau international. Ainsi, l’OMS (PAHO) a depuis rappelé à tous les pays de la région Amérique l’importance de renforcer la surveillance des paralysies flasques chez les enfants mais aussi chez les adultes, et d’atteindre une couverture vaccinale élevée (95% à 3 doses). Par ailleurs, l’ECDC a approuvé les recommandations temporaires de l'OMS :

  • pour les citoyens de l'UE/EEE qui résident ou sont des visiteurs de longue durée (>4 semaines) en Guyane : une dose supplémentaire de vaccin contre le poliovirus doit être administrée entre quatre semaines et 12 mois avant un voyage international ;
  • les voyageurs se rendant en Guyane doivent être vaccinés conformément à leurs calendriers nationaux.

Quel est le risque pour la population guyanaise ?

Quelle que soit l’origine géographique de ces virus, la circulation est pour le moment cliniquement silencieuse de PVDV3 dans l’agglomération cayennaise et à Saint Georges. Le risque de développer une forme paralytique en cas d'infection est :  

  • faible  (8 sur 10 000 personnes infectées pour les virus de type 3, variable selon l’âge ; contre 1 pour 200 pour les virus de type 1) chez les personnes non ou insuffisamment vaccinées, en particulier les enfants et nourrissons et les personnes immunodéprimées ; .
  • extrêmement faible pour les personnes à jour de leur vaccination.

En Guyane, malgré une offre de vaccination diversifiée à travers plusieurs acteurs, la couverture vaccinale (CV) est inférieure à celle de la France hexagonale, avec des groupes de population insuffisamment vaccinés en particulier dans les zones isolées. Une CV insuffisante, associée à des conditions de vie précaires ou de promiscuité (vie en collectivité) favorisant la transmission essentiellement féco-orale du virus par contamination directe (mains sales ou objets contaminés) ou par l’intermédiaire d’un environnement souillé (eaux usées, aliments) ou encore la transmission directe respiratoire, augmente le risque de développement d’une poliomyélite ainsi que de transmission interhumaine de poliovirus.

Quelles sont les recommandations et mesures mises en place par les autorités sanitaires ?

Face à la situation, plusieurs actions sont mises en œuvre par les autorités sanitaires en collaboration avec les professionnels de santé :

  • Lancement d’une campagne de rattrapage vaccinal ;
  • Sensibilisation des professionnels de santé au risque de survenue de cas de poliomyélite avec un rappel de la conduite à tenir devant toute suspicion de poliomyélite et notamment la réalisation des prélèvements adaptés à la recherche du génome par PCR et/ou culture (2 selles prélevées à 24h d’intervalle) par le CNR des entérovirus et parechovirus et à la recherche des diagnostics différentiels (prélèvement naso-pharyngé, sang) par le CNR ou tout autre laboratoire de biologie médicale.
  • Instauration d’un programme de surveillance environnementale d’un an sur les eaux usées.

En complément, il est rappelé que le risque de contamination peut être réduit par l’application des mesures d’hygiène classiques (lavage des mains au savon avant de préparer les repas, avant de manger et après être allé aux toilettes et en lavant et épluchant les fruits et les légumes avant de les manger).

Source : Santé publique France