Une étude menée chez les furets suggère que l'immunité vis à vis de certains virus de la grippe saisonnière protègent contre les formes graves d'infection par le virus H5N1

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Le virus de la grippe aviaire A(H5N1) a été responsable d’infection humaines graves avec un taux de létalité élevé. Cependant, sur les 70 cas rapportés depuis 2024 aux Etats-Unis, un seul décès a été rapporté, soulevant des questions sur les raisons pour lesquelles le clade 2.3.4.4b, qui circule dans le monde entier depuis 2020 et comprend le sous-type B3.13 circulant chez les bovins laitiers, présente un profil de gravité de la maladie moins élevé.

L'immunité acquise grâce aux infections antérieures par les virus de la grippe saisonnière pourraient jouer un rôle.

CIDRAP résume les résultats d’une étude publiée dans la revue Science Translational Medicine qui avait pour objectif d’étudier les conséquences d’une infection expérimentale par le virus H5N1 chez des furets préalablement immunisés vis à vis des virus de la grippe saisonnière dont les virus H1N1pdm09, H3N2 et de la grippe B, ainsi que sur un groupe contrôle non immunisé. L’article rapporte trois séries d’expériences

La première expérience a consisté à immuniser dans un premier temps des lots de quatre furets respectivement vis-à-vis d’une souche de virus de la grippe B (IBV), de virus H3N2 et de virus H1N1pdm2009. Quatre-vingt dix jours plus tard ces animaux ont été exposés par voie intranasale à une souche de virus H5N1 du clade 2.3.4.4b qui avait été responsable d’une épidémie chez des visons espagnols en 2022. La deuxième expérience a consisté à immuniser dans un premier temps des lots de furets par une double exposition à 90 jours d’intervalle respectivement aux virus suivants : IBV/IBV, H3N2/IBV, H3N2/H1N1, H1N1/IBV et H1N1/H3N2. Ces animaux ont par la suite été exposés par voie nasale à la même souche que lors de la première expérience. Dans les deux expériences, les furets ont été prélevé pour étudier leur réponse immunologique après la séquence de pré-immunisation. Seuls les furets exposés au virus H1N1pdm09 ont développés des anticorps de titres élevés ayant un effet neutralisant sur l’hémagglutinine (HA)H1 de ce virus et inhibiteur sur sa neuraminidase (NA)N1. Ces anticorps montraient un faible titre d’activité croisée vis-à-vis de HA H5 sans effet neutralisant, et une activité inhibitrice de la NA significative vis-à-vis de N1 de ce même virus. Après exposition à la souche de virus H5N1 de vison, les furets qui n’ont pas d’immunité préalable vis-à-vis de H3N2 ou H1N1 développent une infection sévère et meurent. Chez les furets qui ont développé une immunité vis-à-vis de H1N1 la réplication virale est faible et il n’y a ni forme sévère, ni décès. Ceux qui sont immunisés exclusivement vis-à-vis de H3N2 présentent un tableau clinique de gravité moyenne et peu (1/4) ou pas de décès.

La troisième expérience à consister à exploser deux lots de furets préalablement immunisés respectivement vis-à-vis des virus H1N1pdm09 et H3N2 à une souche de virus H5N1 de clade 2.3.4.4b responsable d’infection chez les vaches laitières aux Etats-Unis. Cette fois-ci, ils n'ont pas inoculé le virus H5N1 par voie intranasale aux animaux. Ils les ont exposés à des furets déjà infectés par le virus H5N1, ce qui leur a permis d'examiner la transmissibilité ainsi que l'immunité préexistante. Chez le lot témoin de furets non immunisés, tous ont été gravement atteints et sont morts. Ceux qui avaient des anticorps anti-H3N2 ont été malade et ont perdu du poids, et du virus H5N1 a été détecté dans leurs narines ; deux sont morts. Seule la moitié des furets avec anticorps anti-H1N1 ont été malades avec un très faible taux de virus H5N1 dans leur né et aucun n’est mort.

L’étude a qui également étudié la réponse anticorps vis-à-vis de la nucléoprotéine (NP) virale, un antigène conservé, a montré que les titre d’anticorps anti-NP ne diffèrent pas dans les différents groupes de furets pré-immunisés. Ceci suggère que la protection constatée expérimentalement après immunisation par H1N1 ou H3N2 vis-à-vis des souches de H5N1 étudiées relève d’une réaction croisée vis-à-vis de HA H5 et NA N1 de ce virus. On notera que la pré-immunisation ayant été obtenue par infection expérimentale et non par vaccination, il est probable que la protection obtenue implique l’immunité humorale, mais aussi cellulaire.

Les auteurs considèrent que cette étude fournit une explication possible au fait que l’infection par H5N1 soit responsable d’une maladie bénigne chez des individus immunisés contre le virus H1N1. Ils évoquent comme principale limite à leur travail, le fait que les furets ont été exposés aux souches de virus H5N1 90 jours après leur pré-immunisation, alors que chez l’homme le délai entre une exposition à une souche de virus H5N1 et la dernière exposition à une souche de virus de la grippe saisonnière peut varier de quelques semaines à quelques années, délai qui va jouer sur les taux d’anticorps résiduels. Ils rappellent par ailleurs que le virus H5N1 continue à circuler chez les animaux et qu’il peut évoluer pour devenir responsable d’infections sévères. A côté du clade 2.3.4.4b, d’autres clades sont responsables d’infections humaines, comme c’est actuellement le cas au Cambodge où plusieurs cas d’infections sévères dues à un virus réassortant (clade 2.3.2.1e) entre un ancien clade qui circulait dans la région depuis 2014 et le nouveau clade 2.3.4.4b dont la circulation est mondiale.

Sources : CIDRAP, [Science Translational Medicine](Science Translational Medicine)

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