Le diagnostic de démence est retardé chez les personnes âgées ayant reçu le vaccin Shingrix contre le zona

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Le zona est essentiellement une maladie de l’adulte et de la personne âgée, due à la réactivation du virus de la varicelle (VZV) qui, après avoir été généralement contracté dans l’enfance, est resté ensuite silencieux dans les ganglions nerveux. Cette réactivation est permise par une baisse de l’immunité, qui peut avoir différentes causes et qui est aussi une conséquence du vieillissement. Le zona est une maladie le plus souvent bénigne qui guérit alors spontanément en trois semaines, mais il peut aussi être très handicapant, notamment en raison de douleurs intenses, se compliquer ou laisser des séquelles durables. Pour ces raisons, la vaccination, possible pour tous à partir de 50 ans, est recommandée en France et dans plusieurs pays pour les personnes à partir de 65 ans et pour tous les adultes immunodéprimés. Depuis juin 2024, le vaccin vivant atténué ZOSTAVAX, autorisé en Europe en 2006 et recommandé en France pour l’immunisation des personnes âgées de 65 à 74 ans révolus en 2013, n’est plus commercialisé dans notre pays (il reste disponible jusqu’à épuisement ou péremption du stock existant). Sur recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS), il est remplacé par le vaccin SHINGRIX, présenté dans une actualité du 11/03/2024. SHINGRIX est un vaccin recombinant inerte qui s’est montré plus efficace que ZOSTAVAX pour prévenir le zona et ses complications et qui offre une protection plus durable.

À la suite d’observations qui ont fait précédemment apparaitre un retard de l’apparition des signes de démence chez les personnes vaccinées avec ZOSTAVAX, des chercheurs ont voulu savoir si cet effet se retrouvait avec l’utilisation de SHINGRIX. Celui-ci a remplacé ZOSTAVAX aux USA depuis 2017. Maxime Taquet et ses co-auteurs ont analysé les données de santé enregistrées sur support informatique pour comparer l’incidence du diagnostic de démence dans une population vaccinée contre le zona avant 2017 à celle d’une population vaccinée après 2017 (1). Pour tenter d’écarter certains facteurs de confusion susceptibles de fausser l’interprétation des résultats, ils ont comparé le devenir de 103 837 personnes vaccinées entre octobre 2014 et septembre 2017 à celui du même nombre de personnes appariées, vaccinées avec le vaccin recombinant entre octobre 2017 et novembre 2020. Un biais classique dans les études observationnelles sur l’effet des vaccins, où on constate que les personnes en bonne santé ont plus tendance à se faire vacciner, est ainsi écarté. Des corrections sont également appliquées pour limiter les effets d’une possible double vaccination ZOSTAVAX/SHINGRIX chez certaines personnes et ceux de facteurs socio-économiques. L’analyse montre alors que dans le second groupe, celui des personnes uniquement vaccinées avec SHINGRIX, les démences ont été diagnostiquées en moyenne 164 jours plus tard que dans le premier, soit un allongement de 17 % du temps passé sans diagnostic de démence. Les personnes vaccinées après 2017 ont également présenté moins de manifestations de zona, confirmant l’efficacité supérieure du vaccin recombinant, et les causes de mortalité dans les deux groupes comparés sont restées identiques, indiquant une bonne homogénéité de l’échantillon. On remarquera toutefois que le suivi de 6 ans effectué pour le premier groupe (personnes vaccinées avant 2017) n’est pas achevé pour le deuxième groupe, qui inclut des personnes vaccinées en 2020 (suivi moyen de 4,15 années). Les auteurs relèvent que la date de diagnostic de la démence ne correspond pas forcément à celle du début de la maladie, mais le retard éventuel du diagnostic devrait être de même ordre dans les deux groupes de personnes.

L’étude révèle en outre que si le début de la démence semble retardé, son incidence n’est pas modifiée par les vaccins. Ceci suggère que SHINGRIX retarde l’apparition de la démence chez ceux qui vont la développer, sans toutefois en empêcher l’apparition. Cependant, lorsque la comparaison est effectuée, pour contrôle, avec les effets de vaccins antigrippaux, antitétaniques, antidiphtériques ou contre la coqueluche, qui sont également administrés aux personnes âgées, c’est bien une réduction du risque de survenue de la démence qui est observée, associée au vaccin SHINGRIX.

Bien que le gain mesuré dans l’étude semble minime, les auteurs le considèrent significatif au regard de l’incidence générale de la démence, suffisamment en tout cas pour susciter de nouvelles recherches. A ce stade, et malgré les précautions prises dans cette étude observationnelle, la responsabilité du vaccin dans le phénomène observé reste hypothétique. De nouvelles études, prospectives, contre placébo, sont nécessaires pour confirmer un effet, l’attribuer au vaccin, et identifier le mécanisme qui le sous-tend. Pour les auteurs, il pourrait s’agir soit d’un effet sur le virus, dont la réactivation est efficacement empêchée, soit d’un effet plus général de l’adjuvant présent dans le vaccin SHINGRIX, stimulant une immunité devenue déficiente chez les personnes âgées. Ils constatent toutefois que si l’efficacité du vaccin contre le zona, et donc contre le virus, est comparable chez les hommes et les femmes, l’effet sur le report du diagnostic de démence est supérieur chez les femmes (délai allongé de 22 % contre 13 % chez les hommes). Ceci les conduit à s’interroger sur l’importance de la limitation de la réplication virale dans l’effet qu’ils ont mis en évidence. L’adjuvant qui entre dans la composition de SHINGRIX (AS01B) est d’utilisation récente, il n’est présent que dans ce vaccin et dans quelques candidats en cours de développement contre le paludisme, la tuberculose ou le sida (2). Il a pour effet de stimuler la production d’anticorps mais aussi les lymphocytes T-CD4+ spécifiques de l’antigène, et il s’est montré particulièrement efficace chez les enfants et les personnes âgées. Son action qui s’exerce sur plusieurs composantes de l’immunité pourrait mener à un meilleur contrôle de facteurs, encore mal connus, qui conduisent à la démence.

Les auteurs de l’étude ne tirent pas de conclusion sur un intérêt éventuel de proposer le vaccin SHINGRIX comme mesure de prévention contre la démence, mais ils se disent curieux de voir si leur étude va stimuler la demande de vaccin, rendant possible de nouvelles évaluations (3). Des experts extérieurs sont d’accord pour considérer les résultats présentés comme intéressants et significatifs, et pour appeler à de nouvelles études, évaluant en particulier le vaccin SHINGRIX contre un placébo et testant l’effet de rappels.

Une évaluation par cause ou mécanisme de démence serait également intéressante.

Références

  1. 1. M. Taquet, Q. Dercon et coll. The recombinant shingles vaccine is associated with lower risk of dementia
  2. S. Hughes, Newer Shingles Vaccine Tied to Lower Dementia Risk
  3. M. Coccia, C. Collignon et coll., Cellular and molecular synergy in AS01-adjuvanted vaccines results in an early IFNγ response promoting vaccine immunogenicity

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