Le "paludisme des aéroports" tue un couple en Belgique
En Belgique, à la fin du mois de septembre 2020, un couple de Kampenhout dans la province du Brabant Flamandest décédé du paludisme. Le couple n'avait jamais voyagé dans les régions du monde où le paludisme est endémique.
Les responsables de la santé ont émis l'hypothèse que le moustique vecteur avait été introduit en Belgique via les aéroports de Zaventem (aéroport international de Bruxelles) ou de Melsbroek (aéroport militaire) qui ne sont qu'à quelques kilomètres du domicile des deux patients décédés. Un moustique transporté dans une soute à bagages depuis l'étranger dans un de ces aéroports a pu voler de là jusqu'au domicile du couple, pour y piquer et infecter les deux personnes.
Rappels sur le paludisme "des aéroports".
Le "paludisme des aéroports" (ou "airport malaria" ou "luggage malaria") désigne le paludisme causé par des anophèles infectés qui sont transportés rapidement par avion d'un pays où le paludisme est endémique à un pays où il ne l'est pas. Si les conditions locales permettent leur survie, ils peuvent transmettre le paludisme à des individus n’ayant jamais voyagé en zone d’endémie palustre. Exceptionnellement, le vecteur pourrait être véhiculé par bateau [deux cas ont été décrits en lien avec le port de Marseille en France (Bull Soc Pathol Exot. 1995 Mar;88(4):170-3) et un cas en lien avec le port de Gant en Belgique (J Travel Med. 2000 Jan;7(1):48-9)].
Les premiers cas de paludisme des aéroports semblent avoir été rapportés en 1977 en France (Bull Soc Pathol Exot Filiales. Jul-Aug 1977;70(4):375-9). Il s’agissait d’accès palustres à Plasmodium falciparum concernant un homme de 20 ans bagagiste à l’aéroport Charles de Gaulle à Roissy et un homme de 76 ans habitant à proximité de l’aéroport, qui décédera.
Depuis, en Europe, plusieurs dizaines de cas ont été rapportés dans la littérature dans différents pays (Allemagne, Angleterre, Belgique, Espagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse).
Ces cas surviennent le plus souvent l’été, époque de l’année favorable à la survie des anophèles importées en Europe, mais aussi époque où les échanges avec les pays d’endémicité sont plus importants. C’est également la période correspondant à la saison des pluies dans certains pays impaludés. Par ailleurs, la résistance des anophèles aux pyréthrinoides de synthèse utilisés pour désinsectiser les aéronefs pourrait expliquer certains cas.
P. falciparum est l’espèce plasmodiale en cause, mais de manière exceptionnelle d’autres espèces ont pu être impliquées [un cas à P. vivax aux Pays-Bas (Neth J Med. 2002 Dec;60(11):441-3.) et un cas à P. malariae en France (Euro Surveill. 2000 Jul;5(7):76-80.)]. Les cas de paludisme des aéroports surviennent souvent sous forme de cas groupés. La comparaison moléculaire des souches a été effectuée dans quelques cas de clusters. La mise en évidence de la même souche a alors pu être démontrée, mais il ne s’agit pas d’une constante. Dans des études récentes portant sur deux cas groupés diagnostiqués respectivement en France et en Allemagne, les souches de P. falciparum ne différaient pas (Malar J. 2009 Aug 23;8:202. ; Euro Surveill. 2019 Dec;24(49):1900691). Par contre, seuls deux patients sur quatre étaient infectés par la même souche de P. falciparum dans un cluster français de 1994 (J Travel Med. 1996 Sep 1;3(3):179-181) et trois sur quatre dans un autre cluster parisien de 1999 (Parasite. 2002 Jun;9(2):187-91). L’hypothèse de la transmission d’un même parasite à plusieurs sujets par un seul anophèle prenant un repas de sang fractionné peut donc être évoquée, même s’il s’agit d’une éventualité très rare. De même, la possibilité que plusieurs anophèles infectés soient importés à la même période et dans les mêmes sites ne peut être écartée.
Si le lien avec un aéroport peut être évoqué chez des malades exerçant une profession sur le site concerné ou vivant à proximité, cela s’avère difficile en cas de transport secondaire du vecteur ou de déplacement du malade.
Le paludisme des aéroports et souvent grave et le nombre de décès n’est pas négligeable. Ce constat s’explique par l’implication quasi-exclusive de P. falciparum mais aussi, voire surtout, par le retard au diagnostic et donc de la mise en route d’un traitement adapté. En effet, face à une fièvre, l’absence de voyage ou de séjour en zone d’endémie palustre tend à faire passer l’hypothèse de paludisme au second plan.
Source : Outbreak News Today.