L'Agence américaine du médicament rend publiques ses délibérations sur l'autorisation des vaccins anti-covid 19
Les trois fabricants les plus avancés dans la mise au point d'un vaccin anti-covid 19 ont déposé une demande d'autorisation d'utilisation en urgence (EUA) auprès de l'agence américaine du médicament des Etats-Unis (FDA, Food and Drug Administration) en vue d'une commercialisation prochaine de leurs vaccins aux Etats-Unis. Dans un souci de transparence sur une procédure aux enjeux multiples, la FDA met en ligne le contenu des délibérations de son comité d'experts (Vaccines and Related Biological Products Advisory Committee, VRBPAC) et les documents et informations qu'elle a pris en compte (1, 2). La réunion du comité organisée le 10 décembre a pu être suivie par le public sur plusieurs réseaux sociaux. Il s'agissait alors d'examiner les documents et informations fournis par Pfizer concernant le vaccin BNT162b2. Ces documents sont également mis en ligne et accessibles au grand public, qui a été autorisé à envoyer des commentaires et poser des questions aux experts avant la réunion. La plupart des données disponibles ont également été publiées dans le New England Journal of Medicine (3).
Le dossier remis par Pfizer est détaillé. Les principales informations qui y figurent sont reprises dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) émis le 7 décembre par le Royaume Uni, qui a déjà autorisé l'utilisation du vaccin (nouvelle du 7/12/2020), mais le processus de mise au point du vaccin et le déroulement des essais y sont précisés.
Un essai de phase 1/2 a tout d'abord été mené sur 60 volontaires en Allemagne. Puis un essai de phase 1/2/3 a commencé, d'abord aux Etats Unis ; à la date du 14 novembre 2020, il a inclut environ 44 000 participants de 12 ans et plus afin d'évaluer la sécurité, l'immunogénicité et l'efficacité du vaccin. Les participants ont été répartis au hasard ("randomisés") dans deux groupes égaux destinés à recevoir soit le candidat vaccin, soit le placebo ; 38 000 d'entre eux ont reçus les deux doses de 30 µg de vaccin (ou de placebo) qui constituent le schéma vaccinal prévu. Sur cette population, où sont représentées toutes les tranches d'âge retenues dans l'essai, une analyse intermédiaire a été effectuée :
- La moyenne de suivi après la 2ème dose était de 2 mois.
- Les deux doses ont été bien tolérées par les participants de 16 ans et plus.
- Moins de réactions ont été observées dans le groupe des plus de 55 ans que dans le groupe des plus jeunes.
- Les réactions ont été légères à modérées dans tous les groupes d'âge, incluant les adolescents de 12 à 15 ans ; aucun problème sérieux de sécurité n'a été mis en évidence.
- L'incidence des événements indésirables graves (il est bien question "d'événements" et non "d'effets" qui seraient imputables aux vaccins administrés - NDLR) est restée dans la norme pour ce type d'essais, comparable dans les deux groupes "vaccin" et "placebo", de même que l'incidence des arrêts de participation en raison de la survenue d'un événement indésirable.
La sécurité de la procédure a été analysée sur les 44 000 participants, avec des périodes de suivi très variables. Globalement, les données recueillies sont comparables à celles obtenues sur le groupe des participants suivis deux mois après une 2ème injection. L'incidence des événements indésirables graves et des arrêts de participation est restée comparable entre les groupes "vaccin" et "placebo".
L'administration de deux doses de vaccin a donné de bons résultats en termes d'immunogénicité chez tous les participants, y compris les plus jeunes et les plus âgés. La moyenne géométrique des titres d'anticorps neutralisants mesurés chez les vaccinés était du même niveau ou supérieure à celle déterminée dans des sérums de convalescents guéris de la covid 19. Par ailleurs, le vaccin a induit une forte réponse cellulaire CD4+ Th1 et CD8+ (lire cet article pour comprendre les termes techniques utilisés, et celui-ci pour obtenir plus d'informations sur les réponses immunitaires naturelle et vaccinale contre la covid 19).
Cette immunogénicité se traduit dans une efficacité protectrice qui a déjà fait l'objet d'annonces. Elle a été mesurée à 95 % (intervalle de confiance 90,3 % - 97,6 %), 7 jours après l'injection de la 2ème dose de vaccin, pour les participants n'ayant pas été infectés par le SARS-CoV-2 avant et pendant la période d'administration du vaccin. En prenant en compte les participants ayant été infectés par le SARS-CoV-2 pendant cette période, l'efficacité s'établit à 94,6 % (89,9 % - 97,3 %). L'efficacité vaccinale véritable ("true vaccine efficacy") serait donc d'au moins 89,9 % pour l'entière population.
L'efficacité observée a été supérieure à 93 % pour l'ensemble des sous-groupes d'âge, de sexe, d'origine ethnique et de pays de résidence, à l'exception du groupe "autres origines ethniques" (89,3 %) et du groupe "Brésil" (87,7 %). Chez les participants présentant des comorbidités (maladies chroniques associées, comme un diabète ou des affections respiratoires ou cardiaques de longue durée), l'efficacité a été supérieure à 91 %.
L'efficacité vaccinale après une seule dose (avant l'administration de la seconde dose) a été mesurée à 52 %. L'étude des courbes d'apparition de la protection indique que celle-ci se met en place à partir du 14ème jour après l'administration de la 1ère dose de vaccin.
Les essais précliniques effectués chez la souris et le singe avaient déjà fourni de précieuses indications sur la sécurité, l'immunogénicité et l'efficacité du vaccin BNT162b2. Ils ont montré en particulier que le vaccin induisait une forte réponse cellulaire CD4+ Th1 et CD8+, considérée comme très favorable pour la sécurité et l'efficacité du vaccin, et se traduisant par une protection contre la présence d'ARN viral dans les poumons et une absence de signe clinique, radiologique ou anatomopathologique d'une facilitation de l'infection par le vaccin.
Le détail des effets indésirables observés nous apprend que s'ils ont été comparables à ceux relevés dans tout essai vaccinal, ils ont été plus marqués dans le groupe "vaccin" que dans le groupe "placebo" (où on n'observe que rarement des effets systémiques), plus fréquents et plus intenses après la 2ème dose et avec les doses les plus élevées, et qu'il n'y a eu aucun effet considéré comme potentiellement létal. Par ailleurs, la tolérance au vaccin a été meilleure dans le groupe des participants les plus âgés. On apprend cependant que si 120 participants infectés par le VIH ont été inclus dans les essais, ils n'ont pas été pour l'instant pris en compte dans les analyses de sécurité et d'efficacité.
Alors que des effets indésirables, peut-être de nature allergique, ont été observés parmi les premiers vaccinés au Royaume-Uni, les investigateurs de Pfizer ne font pas état de constatations particulières en cas de terrain allergique. Certains spécialistes considèrent la fréquence des effets indésirables rapportés comme inhabituellement élevée. Il est attendu de la poursuite de l'essai de phase 3, qui n'est pas semble-t-il remise en question, et de la surveillance "post-commercialisation" qui sera mise en place dans tous les pays utilisateurs, qu'elles répondent au plus vite à ces interrogations.
La démarche de transparence dans laquelle s'est engagée l'agence américaine doit en tout cas être une source d'inspiration au moment où une large adhésion du public est partout recherchée.
Dans le cadre de la campagne nationale de vaccination contre la covid 19, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) met en place un dispositif spécifique de surveillance renforcée des effets indésirables des vaccins anti-covid 19 sur le territoire français. Ce dispositif reste fondé sur un système passif de déclaration spontanée des événements indésirables post-vaccinaux par les professionnels de santé ou les usagers sur le site signalement-sante.gouv.fr et sur la mise en place d'études de pharmaco-épidémiologie.
Cependant, l'expérience conduite dans plusieurs pays montre que la mise en place d'un système d'information pour la vaccination améliore considérablement la performance de la pharmacovigilance des vaccins, par rapport à la mise en place de cohortes dédiées.
Le système d'information pour la vaccination MesVaccins s'appuie sur un carnet de vaccination électronique pour optimiser la sécurité vaccinale grâce à un modèle citoyen participatif de renforcement de la pharmacovigilance (4). Celui-ci consiste à envoyer à chaque personne vaccinée, à des intervalles programmables, un email ou un SMS permettant de collecter l’information sur la survenue ou la non survenue d’un événement indésirable post-vaccinal.
Références.
- Pfizer-BioNTech COVID-19 vaccine (BNT162, PF-07302048). Vaccines and related biological products advisory committee. Briefing document. Meeting date: 10 December 2020.
- Vaccines and Related Biological Products Advisory Committee December 10, 2020. Event Materials.
- Polack FP, Thomas SJ, Kitchin N, Absalon J, Gurtman A, Lockhart S, Perez JL, Pérez Marc G, Moreira ED, Zerbini C, Bailey R, Swanson KA, Roychoudhury S, Koury K, Li P, Kalina WV, Cooper D, Frenck RW Jr, Hammitt LL, Türeci Ö, Nell H, Schaefer A, Ünal S, Tresnan DB, Mather S, Dormitzer PR, ?ahin U, Jansen KU, Gruber WC; C4591001 Clinical Trial Group. Safety and Efficacy of the BNT162b2 mRNA Covid-19 Vaccine. N Engl J Med. 2020 Dec 10.
- Pour réussir la campagne nationale de vaccination contre la Covid-19, n’oublions pas le carnet électronique de vaccination. Communiqué de l’Académie nationale de médecine, 3 décembre 2020.