La mise au point d'un vaccin contre le chikungunya avance à petits pas
Le chikungunya, une arbovirose identifiée en Tanzanie en 1952, a sans doute été responsable de vastes épidémies tant en Afrique que dans le sud-est asiatique bien avant cette date. Il a commencé à s'étendre de façon remarquée au début des années 2000, avec une épidémie sur l'île de la Réunion en 2005. D'autres régions de l'Océan Indien ont ensuite été touchées (Comores, Mayotte, Madagascar, Seychelles, Maurice), avant qu'une épidémie ne démarre en Italie en 2007. En 2010, de premiers cas autochtones ont été détectés en France métropolitaine, dans le Var. En 2013, le virus a commencé à circuler dans les îles des Antilles, avant de s'étendre à l'Amérique du Sud, à l'Amérique Centrale et aux Etats Unis en 2014.
Dans toutes ces régions, la transmission est rendue possible par la présence de moustiques vecteurs, _Aedes aegypti_ou Aedes albopictus, les deux espèces étant parfois présentes désormais. L'infection est le plus souvent symptomatique. Le tableau, un syndrome fébrile fréquemment accompagné d'une éruption cutanée, peut être confondu avec celui de la dengue, souvent présente dans les mêmes régions et transmise par les mêmes vecteurs, mais les douleurs musculaires et articulaires sont particulièrement marquées, entrainant souvent une impotence complète. Des formes graves sont possibles, compliquées d'hépatite ou de myocardite, mais l'évolution se fait généralement vers la guérison. Toutefois, la convalescence peut être longue, marquée par une asthénie et surtout la persistance de douleurs articulaires très invalidantes. Un passage à la chronicité est possible, la persistance des douleurs, difficiles à soulager, pouvant alors conduire à la dépression.
On a observé des cas d'infection de nouveau-nés, la transmission du virus se faisant lors de l'accouchement, ayant entrainé des atteintes neurologiques graves (méningo-encéphalite responsable de séquelles).
Il n'existe pas de traitement antiviral actif contre le virus du chikungunya, et le traitement de l'infection est symptomatique : il fait appel essentiellement aux antalgiques (paracétamol), aux corticoïdes dans les formes invalidantes. Il faut parfois avoir recours au méthotrexate et aux anti-TNF en cas de rhumatisme chronique.
Le chikungunya n'est donc pas une infection sans conséquences, et elle est à présent très répandue. Tous les pays où se trouvent implantés les moustiques vecteurs pourraient voir se développer des foyers autochtones à l'occasion de l'arrivée sur leur sol de personnes infectées. La recherche d'un vaccin par l'armée américaine au début des années 2000 n'avait pas abouti, mais depuis 2014, d'autres travaux sont en cours et pourraient prochainement déboucher. Plusieurs approches ont été utilisées : virus de la rougeole recombinant, virus chikungunya atténué, pseudo-particules virales, adénovirus du singe ou virus de la vaccine (MVA) recombinants. Un candidat vaccin constitué de virus entier inactivé développé en Inde par Bharat Biotech va entrer en phase 2/3 d'essai au Costa Rica (1).
Le 5 août 2021, le laboratoire Valneva, déjà engagé dans la mise au point d'un vaccin contre la covid 19 (actualité du 24 janvier 2021), a communiqué les résultats préliminaires d'un essai de phase 3 mené avec son candidat vaccin VLA1553 (2). Celui-ci est constitué de virus chikungunya atténué, rendu non pathogène par une délétion d'une partie de son génome. L'essai a inclus 4 115 adultes sur plusieurs sites aux Etats-Unis. Les premières évaluations font état d'une immunogénicité (production d'anticorps) chez 98,5 % des participants ayant reçu une seule dose, et d'une bonne tolérance. L'essai doit se poursuivre pour confirmation, mais le vaccin s'est déjà vu attribuer par la FDA (Food and Drug Administration, l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments) le statut de "Breakthrough Therapy" (thérapie de rupture) qui devrait faciliter et accélérer son développement.
Références