Bilan de la surveillance de la grippe en France pour la saison 2023-2024

mesvaccins.net

Alors que la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière a débuté le 15 octobre 2024, les équipes chargées de la surveillance de la grippe viennent de publier leurs observations sur la saison dernière, l’hiver 2023-2024. Les données prises en compte sont celles du réseau Sentinelles et des associations SOS Médecins pour la médecine de ville, du réseau Oscour® (Organisation de la surveillance coordonnée des urgences) et du réseau de surveillance sentinelle des cas graves de grippe admis en services de réanimation adulte et pédiatrique pour les hôpitaux, et celles des épisodes d’infections respiratoires aiguës (IRA) provenant des établissements médico-sociaux (EMS), dont les collectivités de personnes âgées. La mortalité est surveillée grâce aux données du dispositif de certification électronique des décès, qui couvrait, fin 2023, 43 % de la mortalité nationale. La surveillance exercée au niveau national s’inscrit dans une surveillance internationale de la grippe, des virus responsables et de leur évolution, de l’impact des épidémies sur les populations et les systèmes de santé. Elle contribue ainsi à l’élaboration et à l’évaluation des stratégies de prévention, comme au choix des virus devant entrer dans la composition des vaccins pour la saison suivante.

La saison 2023-2024 est la troisième d’un cycle commencé fin 2021, lorsque l’épidémie de grippe s’est ajoutée à celle de covid 19 qui a eu pour effet de changer nos comportements. Alors que, par rapport aux épidémies antérieures, l’épidémie de 2021-2022 a été retardée et celle de 2022-2023 plus précoce et prolongée, celle de 2023-2024 a été comparable en termes de date et durée. Commencée fin décembre, elle a atteint son pic fin janvier et s’est terminée fin février, au bout de 10 semaines. Deux virus en ont été principalement responsables, A(H1N1)pdm09, prédominant, et A(H3N2). La détection de virus de type B est restée exceptionnelle. Les virus grippaux ont circulé dans la population en même temps que d’autres virus responsables d’infections respiratoires, dont le SARS-CoV-2 et le rhinovirus. Des cas de co-infection ont été observés, dont 22 cas de virus grippal/SARS-CoV-2. Alors que l’intensité de l’épidémie est restée modérée en médecine de ville, elle a été élevée à l’hôpital, auquel de nombreux patients ont dû s’adresser, tous âges confondus.

Le nombre de consultations pour syndrome grippal en médecine de ville a été estimé à 1 540 000 sur la durée de l’épidémie. Les enfants et adolescents de moins de 15 ans sont ceux qui ont le plus consulté, devant les personnes âgées de 15 à 64 ans et celles de plus de 65 ans. A l’hôpital, les cas de grippe ou de syndrome grippal ont été responsables de 2,1 % des admissions aux urgences, plus que les 1,7 % observés lors des saisons précédentes. La répartition par tranches d’âge de ces admissions est restée proche de celle observée antérieurement : 42 % de moins de 15 ans, 39 % de 15-64 ans et 19 % de plus de 65 ans. Sur ces passages aux urgences, 19% ont conduit à une hospitalisation (contre 14 % lors d’épidémies antérieures), qui a concerné des plus de 65 ans dans 56 % des cas.

L’identification fine des virus grippaux isolés durant l’épidémie a montré que si les souches A(H1N1) étaient proches de la souche présente dans le vaccin destiné à l’hémisphère nord, les souches A(H3N2) étaient plus apparentées à celle contenue dans le vaccin de l’hémisphère sud.

La surveillance des cas graves de grippe n’a pas été exhaustive en raison d’une moindre participation des services de réanimation depuis l’arrivée de la covid 19. Sur les 925 cas signalés, 61 % étaient des hommes et 90 % avaient 18 ans ou plus. Le virus en cause était surtout de type A (99 % des cas), dont 13 % de type A(H1N1)pdm09, 6 % de type A(H3N2) et 80 % de type A non précisé. Une comorbidité ou un facteur de risque de grippe grave étaient présents dans 83 % des cas, et sur les 560 cas dont le statut vaccinal a été relevé, 79 % étaient non vaccinés pour l’année en cours. On a compté 132 décès, dont 58 % chez les plus de 65 ans et 5 % chez les moins de 15 ans. En population générale, sur les 1 861 décès déclarés à la certification électronique avec mention de grippe ayant provoqué ou contribué au décès, 1 % l’ont été chez des moins de 15 ans et 88 % chez des plus de 65 ans.

Dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), l’épidémie de grippe est survenue à une période habituelle aux Antilles et en Guyane. Elle a été précoce à Mayotte et tardive à La Réunion, départements où les virus isolés étaient majoritairement de type A(H3N2).

L’épidémie de grippe de la saison 2023-2024 n’a donc pas présenté d’aspects très singuliers par rapport à des épidémies antérieures. La publication de Santé publique France attire toutefois l’attention sur les risques associés à la co-circulation de virus respiratoires différents, qui pourrait prendre de plus en plus d’importance à l’avenir, et sur la baisse constatée de la couverture vaccinale. Pour la saison observée, cette couverture n’était que de 54 % chez les plus de 65 ans, de 25,4 % chez les moins de 65 ans à risque de forme grave ; si elle était de 83,3 % chez les personnes âgées en Ehpad, elle n’était que de 22,4 % chez les professionnels exerçant dans ces établissements. Malgré une efficacité relative et fluctuante du vaccin [44 à 53 % contre A(H1N1) et 14 à 30 % contre A(H3N2)], les auteurs de l’étude appellent à promouvoir son utilisation ainsi que celle des autres mesures de prévention susceptible d’atténuer les conséquences des épidémies (hygiène des mains, aération régulière des espaces clos, port du masque en cas de symptômes).

Source

  1. C. Campèse et coll. Surveillance de la grippe en France, saison 2023-2024. BEH 19, 15 octobre 2024, pp. 414-427.

Pages associées