Va-t-on pouvoir utiliser les moustiques pour vacciner contre le paludisme ?

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Le paludisme est une maladie consécutive à l’infection par un parasite du genre Plasmodium, rencontrée dans les régions tropicales du globe. Il existe 5 espèces de plasmodium capables d’infecter l’Homme, toutes transmises par des moustiques du genre Anopheles. Le paludisme à Plasmodium falciparum est le plus fréquent, surtout en Afrique, et c’est aussi le plus grave : l’évolution peut être mortelle, particulièrement chez les jeunes enfants, les femmes enceintes, les voyageurs venus de pays indemnes de paludisme ou les porteurs du VIH. Les premiers symptômes sont communs à de nombreuses infections et relativement bénins (fièvre, frissons, céphalées), mais une aggravation est possible en moins de 24 heures, avec des atteintes neurologiques et respiratoires.

En dehors de l’Afrique sub-saharienne, on rencontre surtout des infections à P. vivax, dont l’évolution est généralement moins sévère. Des infections à P. malariae, P. ovale et P. knowlesi sont rencontrées moins fréquemment.

Selon l’OMS, il y aurait eu 249 millions de cas de paludisme en 2022, associés à 608 000 décès, répartis dans 85 pays. Sur ce total, 94 % des cas et 95 % des décès ont été observés en Afrique, où P. falciparum est majoritairement responsable (1).

Il est possible de traiter efficacement les cas de paludisme lorsqu’ils sont pris à temps, il est également possible de les prévenir, soit en évitant les piqures de moustiques, soit par la chimioprophylaxie. Au fil des années, celle-ci a dû évoluer en raison de l’apparition de résistances, elle doit être adaptée en fonction du niveau de risque et des caractéristiques individuelles. Les médicaments utilisés doivent être pris pendant toute la durée de l’exposition, et pour certains d’entre eux, 3 semaines avant et 4 semaines après la fin de celle-ci.

Afin d’améliorer cette prévention, on cherche depuis des décennies à mettre au point des vaccins. Ceci s’est avéré difficile, en raison de la nature du parasite et des particularités de l’infection qu’il provoque. Après de nombreuses tentatives peu fructueuses, deux vaccins, RTS,S développé par GSK (MOSQUIRIX) et R21, mis au point par l’université d’Oxford, sont à présent utilisables chez l’enfant. Selon l’OMS, ils diminuent significativement la fréquence des cas de paludisme et des décès imputables et devraient avoir un impact important : utilisés largement, ils devraient sauver des dizaines de milliers d’enfants dans les pays les plus exposés (2). Leur efficacité, évaluée à environ 70 %, est toutefois considérée insuffisante, et les rappels nécessaires compliquent leur mise en œuvre et leur généralisation.

Des chercheurs ont pensé pallier à ces inconvénients en confiant aux moustiques le soin d’inoculer le vaccin. Pour cela, ils ont modifié P. falciparum afin que son développement soit bloqué chez l’hôte humain infecté alors qu’il se trouve encore dans le foie et n’a pas encore atteint les globules rouges. Ainsi modifié, le parasite reste capable d’infecter les moustiques, qui peuvent l’inoculer à l’Homme. Là, il ne provoque plus de paludisme mais il a le temps de présenter suffisamment d’antigènes pour déclencher une réponse immunitaire qui protégera contre une nouvelle infection par un parasite sauvage.

Les résultats des essais menés pour évaluer cette stratégie viennent d’être publiés (3). Ils montrent que 8 des 9 volontaires n’ayant jamais eu de paludisme et exposés à trois séances de 50 piqures de moustiques porteurs de P. falciparum modifié ont ensuite été protégés contre l’infection lors d’un challenge réalisé par 5 piqures de moustiques porteurs du parasite non atténué.

Ce résultat a encore une portée limitée mais il permet de valider deux stratégies vaccinales qu’il conviendra d’évaluer rigoureusement : celle de l’utilisation de parasites atténués mais capables d’atteindre un stade de développement avancé dans le foie (des parasites bloqués à un stade plus précoce se sont montrés moins efficaces), et celle du recours aux moustiques pour l’administration du vaccin.

Références

  1. Paludisme. Fiche de présentation OMS.
  2. Vaccins antipaludiques (RTS, S et R21.
  3. O.A.C. Lamers, B.M.D. Franke-Fayard et coll. Safety and Efficacy of Immunization with a Late-Liver-Stage Attenuated Malaria Parasite - N Engl J Med 2024;391:1913-1923 - DOI: 10.1056/NEJMoa2313892.