Prévention du cancer du col de l’utérus en France : où en est-on ?
Trois types de cancers font l’objet d’un dépistage préventif en France, comme dans d’autres pays. Il s’agit des cancers colorectaux, des cancers du sein et du col de l’utérus. Santé publique France vient de publier un état des lieux de cette surveillance et de l’utilisation des mesures de prévention disponibles.
Sur les trois types de cancers, il est bien établi que celui du col de l’utérus (CCU) est dans la majorité des cas d’origine virale et qu’il peut être efficacement prévenu par la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) disponible depuis 2006. Cette vaccination a donc été recommandée pour les jeunes filles dès 2007, elle a été étendue aux garçons adolescents en 2021 afin de réduire la circulation des virus mais aussi de protéger contre d’autres cancers consécutifs aux infections, cancers du pénis, de l’anus et de la sphère ORL. Pour les femmes, le dépistage garde cependant toute sa place, la vaccination ne permettant pas d’écarter tout risque. Le Programme national de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus (PNDOCCU) mis en place en 2018 recommande qu’il soit effectué régulièrement pour toutes les femmes âgées de 25 à 65 ans (1). Il est censé permettre au plus tôt la détection des lésions pré-cancéreuses ou cancéreuses et leur traitement immédiat.
Malgré ces mesures, l’état des lieux réalisé par Santé publique France sur la période 2020-2023 rappelle que tous les ans, 3 100 nouveaux cas de CCU sont diagnostiqués et que 1 100 décès résultent de leur évolution (2). Il révèle que les objectifs fixés aux actions de prévention ne sont pas encore atteints et qu’il existe des disparités dans leur mise en application. Pour l’OMS, une stratégie d’élimination du CCU passe par la réalisation de 3 objectifs : la couverture vaccinale des filles doit atteindre 90% avant l’âge de 15 ans, 70% des femmes doivent être dépistées avant l’âge de 35 ans et une nouvelle fois avant 45 ans, et 90% des femmes porteuses d’un CCU ou de lésions précancéreuses doivent être traitées. En France, les objectifs de la stratégie définie pour les années 2021-2030 étaient une couverture vaccinale portée à 60% en 2023 et 80% en 2030, associée à une couverture de dépistage de 70%. Il apparaissait également nécessaire de lever les inégalités observées dans l’accès au dépistage. Le plan s’appuyait en particulier sur des mesures d’invitation et relance pour le dépistage, un suivi en cas de détection d’anomalies, le renforcement de l’information des femmes et des professionnels de santé, la diversification des possibilités de dépistage (autotests, unités mobiles, formation de nouveaux préleveurs), le tout coordonné au niveau régional par des Centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC).
Santé publique France a évalué la couverture vaccinale (CV) contre les HPV chez les filles âgées de 15 ans et de 16 ans à partir des données du Système national des données de santé (SNDS). Le SNDS a également permis de mesurer un « taux de couverture du dépistage triennal du CCU chez les femmes âgées de 25 à 65 ans », correspondant au rapport du nombre de femmes de 25 à 65 ans ayant réalisé au moins un dépistage en trois ans et six mois sur la population totale des femmes de 25 à 65 ans selon l’Insee. En 2023, la CV a été mesurée à 54,6% et 44,7%, respectivement, chez les filles de 15 ans ayant reçu au moins une dose de vaccin et celles de 16 ans ayant reçu deux doses (les vaccinations effectuées à l’âge de 12 ans chez les élèves de 5ème, filles et garçons, n’ont pas été prises en compte). Ces chiffres sont en constante augmentation depuis 2016, mais des disparités régionales apparaissent : les niveaux de couverture sont inférieurs aux moyennes dans les régions et départements du sud du pays, en Ile-de-France et surtout dans les départements et régions d’outre-mer, en particulier chez les jeunes filles de 16 ans. La mise en œuvre de la vaccination contre les HPV dans les collèges semble produire de bons résultats, mais elle devra être suivie et analysée afin d’identifier les freins qui pourraient empêcher l’atteinte des objectifs et de réduire les inégalités.
Le taux de dépistage du CCU a lui aussi augmenté depuis la mise en place du programme en 2018 : il est passé de 56,6% en 2017-2019 à 59,5% en 2020-2022. Il reste toutefois plus bas en Ile-de-France (53,1%) et très insuffisant dans les DROM (31,7% en Guyane, 15,1% à Mayotte).
Malgré les progrès observés, les objectifs des stratégies de réduction du CCU ne sont donc pas encore atteints, qu’il s’agisse de ceux fixés nationalement, au niveau européen ou par l’OMS. Des améliorations restent nécessaires. Les auteurs des études relèvent que si la stratégie d’invitation au dépistage a été suivie d’une augmentation du taux de dépistage et a touché toutes les tranches d’âge concernées, et notamment les plus élevées, le dépistage spontané à quant à lui reculé (1). D’importants efforts de sensibilisation restent nécessaires, particulièrement sur certains territoires où il faut les adapter en raison d’obstacles de nature diverse : inégalités socio-économiques, accès restreint à l’information et aux professionnels de santé, acceptation variable des actions de santé publique, freins d’origine culturelle.
Références
- C. Audiger, J. Plaine J et coll. Effet de la mise en place du Programme organisé du dépistage du cancer de l’utérus sur les taux de couverture en France : analyse comparative des périodes 2015-2017 et 2020-2022. Bull Épidémiol Hebd. 2025;(3-4):33-40.
- C. Audiger, L. Fonteneau et coll. Prévention du cancer du col de l’utérus en France : état des lieux de la vaccination et du dépistage et analyse des disparités territoriales, 2020-2023. Bull Épidémiol Hebd. 2025;(3-4):26-32.