Prévention des infections à VRS chez le nourrisson : une importante étude française confirme la sécurité du vaccin ABRYSVO chez les femmes enceintes

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EPI-PHARE, groupement d’intérêt scientifique entre l’ANSM et la Cnam qui réalise, pilote et coordonne des études de pharmaco-épidémiologie à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS), vient de publier dans la revue Obstetrics and Gynecology les résultats d’une étude qui avait pour objectif d’évaluer la sécurité maternelle et fœtale de la vaccination avec le vaccin ABRYSVO chez les femmes enceintes en France lors de la première campagne de vaccination en 2024-2025, en portant une attention particulière au risque d’accouchement prématuré constaté dans des études antérieures.

La vaccination des femmes enceintes par ABRYSVO est recommandée entre les 32e et 36e  semaines d’aménorrhée (SA) afin de protéger les nourrissons dès leur naissance grâce au transfert d’anticorps maternels à travers le placenta, conférant une immunité passive au fœtus et au nourrisson contre les infections des voies respiratoires inférieures associées au virus resiratoire syncytial (VRS) et aux formes graves de la maladie jusqu'à l'âge de 5 mois.

MÉTHODES

Pour cette étude, les chercheurs ont utilisé des données extraites du SNDS, les grossesses ayant été identifiées grâce au Registre national mère-enfant couvrant la période de 2010 à 2024. La population étudiée comprenait toutes les femmes enceintes qui auraient pu atteindre au moins 36 SA entre le 15 septembre et le 31 décembre 2024, et qui ont accouché au plus tard le 31 décembre 2024. Les femmes vaccinées à 37 SA ou plus tard ont été exclues de l'analyse des naissances prématurées. Pour chaque femme de la population étudiée, le statut vaccinal contre le VRS (ABRYSVO) et la date de vaccination ont été déterminés. Chaque femme vaccinée a été appariée à une femme non vaccinée. Les issues maternelles et fœtales comprenaient la prématurité (accouchement avant 37 SA) ; l’accouchement dans les 1 ou 3 semaines suivant la date index (date de vaccination ou date identique pour les non vaccinées) ; la césarienne programmée ou en urgence ; la mortinaissance ; le faible poids de naissance ; l’hémorragie du péripartum ou du postpartum ; la prééclampsie, l’éclampsie et le HELLP syndrome ; les événements cardiovasculaires majeurs (accident vasculaire cérébral, syndrome coronarien aigu et embolie pulmonaire) ; ainsi que le décès jusqu’à une semaine après l’accouchement. Les facteurs sociodémographiques, des facteurs liés à la grossesse, ainsi que les antécédents médicaux et les comorbidités avant la date index ont été pris en compte. Les vaccins contre la coqueluche et contre la covid 19 ont été enregistrés.

RÉSULTATS

Au total 24 891 femmes vaccinées ont pu être appariées à 24 891 femmes non vaccinées. L’âge gestationnel médian au moment de la vaccination était de 34,7 SA (33,4–35,7). Parmi les femmes vaccinées, 6,9 % ont reçu le vaccin avant 32 SA (la plupart d’entre elles à proximité de ce seuil) et 6,2 % l’ont reçu à 37 SA ou plus. L'âge maternel moyen au début de la grossesse était de 30,9 ± 5,0 ans. Les antécédents d'accouchement prématuré étaient présents chez 3,2 % des femmes vaccinées et non vaccinées, des grossesses multiples ont été rapportées chez 0,6 % d'entre elles et la vaccination contre la grippe a été rapportée chez 21,8 %.

Les femmes ayant reçu le vaccin ABRYSVO étaient plus susceptibles que les femmes non vaccinées de résider dans des municipalités appartenant au quintile socio-économique le plus élevé (25,9 % vs 20,8 %, p < 0,0001), moins susceptibles de bénéficier d'une mutuelle (12,1 % vs 20,3 %, p < 0,0001) et moins fréquemment multipares (23,9 % vs 30,5 %, p < 0,0001). Aucune comorbidité n'était significativement associée au statut de vaccinée.

Des accouchements prématurés sont survenus chez 4,1 % des femmes vaccinées et 4,3 % chez les non vaccinées, soit un rapport de taux d’incidence (RTI) de 0,97 (IC à 95 %, 0,89–1,06).

Globalement, aucun risque accru d'accouchement prématuré n'a été observé dans la semaine (RTI : 0,81 ; IC à 95 %, 0,72–0,90) ni dans les trois semaines (RTI : 0,97 ; IC à 95 %, 0,93–1,00) suivant la vaccination. Aucune augmentation du risque de complications graves de la grossesse (notamment la mortinaissance, l'accouchement par césarienne, le faible poids de naissance pour l'âge gestationnel, l'hémorragie du post-partum, la prééclampsie ou les événements cardiovasculaires indésirables majeurs) n'a été notée.

Chez les femmes vaccinées avant ou à 32 SA, les résultats n'étaient pas significativement différents de ceux des femmes non vaccinées au même stade de la grossesse. Un accouchement prématuré est survenu chez 8,6 % des femmes vaccinées, contre 7,6 % des femmes non vaccinées (RTI : 1,13 ; IC à 95 % : 0,98–1,31). Les accouchements survenus dans la semaine suivant la vaccination représentaient 0,3 % des cas, contre 0,1 % dans le groupe témoin (RTI : 2,87 ; IC à 95 % : 0,89–9,22), et ceux survenus dans les trois semaines suivant la vaccination représentaient 1,8 % des cas, contre 1,6 % dans le groupe témoin (RTI: 1,16 ; IC à 95 % : 0,62-0,83). Les taux de faible poids de naissance pour l’âge gestationnel (12,7 % vs 11,6 %), de prééclampsie, de césariennes (24,3 % vs 22,9 %), et d’hémorragies (8,4 % vs 8,2 %) ne diffèrent pas entre les deux groupes.

Chez les femmes vaccinées plus tard au cours de la grossesse, les risques relatifs diminuaient avec l’augmentation de l’âge gestationnel à la vaccination. Ce phénomène a été observé de manière significative pour la prématurité (0,74 ; IC à 95 % : 0,60–0,91 à 35–36 semaines de gestation), l’accouchement dans la semaine (0,74 ; IC à 95 % : 0,60–0,91 à 35–36 semaines) et à 3 semaines (0,89 ; IC à 95 % : 0,85–0,94), et la césarienne (0,84 ; IC à 95 % : 0,72–0,99 à 37 semaines ou plus).

Une association statistiquement significative a été observée entre la vaccination avec ABRYSVO et la prématurité chez les femmes ayant également reçu le vaccin contre la grippe (RTI : 1,25 ; IC à 95 % : 1,02–1,53). Aucune association de ce type avec la prématurité n'a été observée chez les femmes non vaccinées contre la grippe.

CONCLUSIONS

L’utilisation des bases de données nationales de santé a permis d’évaluer la sécurité du vaccin ABRYSVO chez toutes les femmes enceintes éligibles en France pendant la période d’étude, offrant ainsi une vision à l’échelle de la population.

Bien qu'un lien de causalité avec la vaccination n’ait pas été établi dans cette étude (augmentations non significatives), de légères augmentations des risques de prématurité, d'accouchement dans les 1 à 3 semaines, de petit poids de naissance pour l'âge gestationnel et de prééclampsie ont été notées chez les femmes vaccinées à 32 SA ou avant. Cette tendance a déjà été rapportée dans des études précédentes, et l’étude invite à la vigilance chez les femmes vaccinées avant ou à 32 semaines d’aménorrhée.

Concernant le risque accru de naissance prématurée observé chez les femmes vaccinées à la fois contre le VRS et la grippe, les auteurs considèrent qu’une interaction potentielle entre les vaccins ABRYSVO et antigrippal contribuant à ce signal ne peut être exclue et nécessite des investigations supplémentaires. Les femmes présentant un risque élevé d'accouchement prématuré peuvent être orientées vers une stratégie d'anticorps monoclonaux pour le nouveau-né, de même que d'autres femmes à haut risque qui souhaitent recevoir à la fois la vaccination contre la grippe et la prévention du VRS.

L'absence de risque accru aux stades plus avancés de la grossesse, qui correspondent au calendrier vaccinal recommandé (vaccination entre 32 et 36 SA), confirme, en conditions réelles d’utilisation, les résultats des essais cliniques sur la sécurité du vaccin ABRYSVO pendant la grossesse et soutiennent les recommandations en vigueur.

Les auteurs concluent que des recherches supplémentaires, incluant des comparaisons internationales et des évaluations de l’efficacité par rapport aux anticorps monoclonaux anti-VRS, seront nécessaires pour caractériser pleinement le rapport bénéfice-risque d’ABRYSVO. Une surveillance continue demeure essentielle, notamment pour le suivi des effets indésirables rares.

Source : Gabet A,  Bertrand M, Jabagi MJ, Kolla E, Olié V, Zureik M. Maternal and Neonatal Outcomes After Respiratory Syncytial Virus Prefusion F Protein Vaccination During Pregnancy Analysis From the 2024–2025 Immunization Campaign in France. Obstet Gynecol. 2025 Nov 13. doi: 10.1097/AOG.0000000000006121.