Vaccination des adultes à risque : le temps de l'action pour les associations de malades

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Le 18 octobre 2016, le groupe de réflexion AVNIR (Association VacciNation Immunodéprimées Réalités) créé en 2013, qui regroupe onze associations de patients immunodéprimés ou à risque d'infection en raison de leurs maladies ou de leurs traitements, a organisé son colloque sur le thème « Vaccination des adultes à risque : les associations prennent la parole ». Le groupe AVNIR vient de présenter les conclusions de ce colloque.

Les couvertures vaccinales des personnes immunodéprimées restent insuffisantes et ont baissé depuis 2013

Le premier colloque, qui s'était déroulé en octobre 2013, était le temps des constats, en particulier celui d'une faible couverture vaccinale des personnes immunodéprimées. Respectivement 59 % et 43 % des personnes présentant un déficit immunitaire secondaire étaient vaccinées contre la grippe et le pneumocoque. Il en ressortait que les patients étaient en demande d'informations sur les risques infectieux et sur les bénéfices de la vaccination contre les maladies à prévention vaccinale. Les professionnels de santé ne connaissent pas suffisamment les recommandations particulières des personnes immunodéprimées. Il apparaissait également nécessaire de renforcer le parcours vaccinal et la traçabilité des actes vaccinaux grâce à l'utilisation d'un carnet de vaccination dématérialisé.

En 2016, l'évaluation des couvertures vaccinales a utilisé la même méthodologie qu'en 2013, c'est-à-dire le questionnaire en ligne sur les sites des associations, en partenariat avec le Centre d'Investigation Clinique de l'hôpital Cochin et le laboratoire Pfizer. Cependant, la population a concerné un échantillon plus large d'adultes à risque d'infection. Les couvertures vaccinales ont baissé par rapport à l'année 2013, avec 52 % des personnes vaccinées contre la grippe et 32 % contre les infections graves à pneumocoque. Il est ainsi possible que le climat de défiance envers les vaccinations n'ait pas épargné les personnes à risque.

L'information, la formation et la communication sur les vaccinations en fonction des pathologies doivent être renforcées auprès de la population à risque et des professionnels de santé

Cette même enquête indique que 59 % de ces personnes se considèrent comme faisant partie d'une population à risque pour la grippe. La décision de se faire vacciner est très fortement liée à la proposition de se faire vacciner. Ainsi, le fait de se voir proposer la vaccination augmente respectivement de 14 et 245 fois la décision de se faire vacciner vis-à-vis de la grippe et des infections à pneumocoque. Les principaux motifs de la non-vaccination cités par les personnes interrogées sont la non proposition de la vaccination par un professionnel de santé (23 %), des doutes sur l'efficacité du vaccin (22 %), la crainte d'effets indésirables (19 %) et le fait d'être contre la vaccination en général (10 %).

Bien que les controverses sur la vaccination ne soient pas nouvelles, on constate ainsi que ces freins à la vaccination observés dans une population à risque ne sont pas très différents de ce qui a été noté auprès de la population en général dans le rapport sur la rénovation de la politique vaccinale, dit rapport Hurel, et lors de la concertation citoyenne sur la vaccination.

Pour favoriser le parcours vaccinal, des actions fortes en termes d'information, de communication, de traçabilité des actes vaccinaux

Le patient souhaite avoir à sa disposition des informations scientifiques mais claires et compréhensibles. Les rapports des autorités sanitaires ne sont pas adaptés à la communication grand public. Il est à la recherche d'outils de communication partagés, adaptés, utilisant différents supports. Comme indiqué dans les conclusions de la concertation citoyenne sur la vaccination, le site vaccination-info-service.frdoit répondre aux interrogations et dispenser une information simple et accessible au public et aux professionnels de santé. Sur ce site, chacun peut faire lepoint sur ses vaccinations en fonction de son profil santé, de sa maladie ou des traitements et ainsi bénéficier de recommandations personnalisées, à discuter avec le ou les professionnels de santé de son choix.

La diffusion des brochures « Repères pour la pratique » à l'intention du public et des professionnels de santé » est souvent méconnue.

Les échanges entre les patients et leurs familles pour partager les vécus et les expériences de chacun sont indispensables pour la prise de décision vaccinale. Les associations de malades ont alors toute légitimité car elles sont concernées par la maladie.

La coordination entre les différents acteurs, médecin référent, professionnels de santé de la spécialité en charge de la maladie de la personne, sans oublier le patient, est très perfectible. Le Dossier Médical Personnel rebaptisé Dossier Médical Partagé en 2015 devait être l'outil référent du parcours vaccinal, ce qui n'est pas le cas plus de 10 ans après le projet de loi 2004 relatif à l'assurance maladie.

Disposer d'un carnet de vaccination dématérialisé (ou carnet de vaccination électronique) partagé entre la personne et les professionnels de santé est une possibilité, mais ce carnet doit être facilement accessible aux différents acteurs professionnels utilisant des systèmes d'information différents.

Former les professionnels de santé et augmenter l'offre de soins pour favoriser les propositions vaccinales : le rôle de l'Etat

La promotion de la culture de la santé publique (notion de prévention pour soi-même et son entourage, la place de la vaccination) doit être intégrée dès l'école et bien évidemment dans le parcours de formation des professionnels de santé.

Le public comme les professionnels de santé souhaiteraient disposer d'un calendrier vaccinal stable et compréhensible. Mais ce souhait se heurte à la nécessité d'adapter les recommandations vaccinales à l'évolution de l'épidémiologie des maladies infectieuses, à des situations individuelles très diverses, à la mise à disposition de nouveaux schémas vaccinaux ou encore à la nécessité de faire face aux nombreuses pénuries de vaccins auxquelles la France et les autres pays européens sont soumis.

L'offre de prévention est également à renforcer. La France occupe la 24ème place sur 27 en Europe en termes de budget pour la prévention. Le rapport sur la concertation citoyenne identifie la prévention vaccinale comme un axe prioritaire et propose de mettre à disposition gratuitement les vaccins. La médecine libérale, mais aussi les centres publics de vaccination, les centres de santé et le secteur hospitalier doivent tous être mobilisés pour proposer cette offre vaccinale. Près de 10 % des patients soulignent qu'ils ne pensent pas à la vaccination car ils n'ont pas reçu le bon de prise en charge de la vaccination contre la grippe de leur caisse primaire d'assurance maladie. Par ailleurs, une expérimentation de la [vaccination grippale par les pharmaciens](http://www.assemblee- nationale.fr/14/amendements/4072/cion- soc/as255.asp) a été proposée pour augmenter l'offre vaccinale.

Au total l'amélioration de la prévention vaccinale, particulièrement celle destinée aux personnes immunodéprimées, nécessite la coordination de plusieurs acteurs : les patients avec le rôle fondamental des associations de malades dans la recherche d'une information accessible, indépendante et compréhensible sur les vaccinations, les soignants afin qu'ils puissent proposer ces vaccinations et savoir argumenter pour répondre aux interrogations des patients, et enfin l'Etat pour la facilitation de la mise en oeuvre de la politique vaccinale, avec l'organisation et la coordination du système de santé, ainsi que la formation et la communication des professionnels de santé.

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